Définitivement adopté par le Parlement le 28 septembre dernier, la loi pour une République Numérique a été publiée au Journal officiel du samedi 8 octobre. Ce texte prévoit de nombreuses mesures indispensables au fonctionnement d´une société numérique et, dans son article 30, nous intéresse plus particulièrement.
Cette mesure concerne en effet les écrits scientifiques et elle est entrée en vigueur dès le 9 octobre.
Que dit-elle : Lorsqu’un écrit scientifique issu d’une activité de recherche financée au moins pour moitié par des dotations de l’Etat, des collectivités territoriales ou des établissements publics, par des subventions d’agences de financement nationales ou par des fonds de l’Union européenne est publié dans un périodique paraissant au moins une fois par an, son auteur dispose, même après avoir accordé des droits exclusifs à un éditeur, du droit de mettre à disposition gratuitement dans un format ouvert, par voie numérique, sous réserve de l’accord des éventuels coauteurs, la version finale de son manuscrit acceptée pour publication, dès lors que l’éditeur met lui-même celle-ci gratuitement à disposition par voie numérique ou, à défaut, à l’expiration d’un délai courant à compter de la date de la première publication. Ce délai est au maximum de six mois pour une publication dans le domaine des sciences, de la technique et de la médecine et de douze mois dans celui des sciences humaines et sociales.
Vous êtes concernés si :
- vos recherches sont financées pour moitié au moins sur fonds publics
- vous publiez les résultats de ces recherches dans une revue
Que vous donne-t’elle le droit de faire ? Quel que soit votre contrat avec l’éditeur de la revue, vous pouvez déposer dans HAL la version acceptée de votre manuscrit (un fichier auteur hein, pas la version publiée de l’éditeur) dès la publication
- sans embargo si votre article est en accès gratuit sur le site de la revue,
- ou en appliquant un embargo maximum de 6 mois pour les sciences, techniques et médecine et 12 mois pour les sciences humaines.
Autrement dit, vous pouvez appliquer ces durées d’embargo même si une condition de l’éditeur sur les sites Sherpa/Romeo ou Héloïse impose une durée supérieure.
Et c’est valable pour tout article publié à partir du 9 octobre (publication date, available online, first online, etc.).
Pour appliquer une durée d’embargo sur un fichier au moment du dépôt, voir la documentation : les références de votre article sont visibles par tous mais le fichier ne le sera qu’à l’expiration de l’embargo.
Est ce valable pour tout éditeur, cad y compris éditeur étranger faisant signer un contrat léonin?
Question à adresser plutôt à un juriste … Mais il nous semble que, à partir du moment où la recherche est financée au moins pour moitié sur des fonds publics français, la loi s’applique.
Il semble que la réponse est dans l’article de loi : « l’auteur dispose, même après avoir accordé des droits exclusifs à un éditeur, etc. ». La loi s’applique à l’auteur, qui peut déposer au bout de 6 mois, quelles que soient par ailleurs les conditions de son contrat avec l’éditeur, quel qu’il soit, d’où qu’il soit.
Oui, la mesure est opposable y compris aux éditeurs étrangers, qui proposent un contrat régi par un droit d’un autre pays que le droit français. En effet (toujours lire les articles de loi jusqu’au bout !) l’article 30 de la loi se termine par la phrase suivante : « Les dispositions du présent article sont d’ordre public et toute clause contraire à celles-ci est réputée non écrite. »
D’ordre public : cela signifie que rien, ni loi étrangère ni contrat (de droit français ou étranger), ne peut contrevenir à l’application de cette mesure.
Cf l’article 30 à lire sur https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=333E7ADC6FC583CBF22CEA52CB966CE7.tpdila20v_1?cidTexte=JORFTEXT000033202746&categorieLien=id
Bonjour,
Merci pour cet article et, en guise de remerciements je me permets de répondre en ma qualité de juriste. La question que vous posez relève de ce que les juristes appellent le droit international privé. Ici il faut d’abord se poser la question de la loi applicable au contrat et appliquer pour cela les règles de la Convention de Rome (http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A41998A0126(02). Celle-ci prévoit que la loi applicable est celle choisie par les parties et, si elles n’ont rien prévu, l’art. 4 dit que la loi applicable est celle avec laquelle le contrat présent les liens les plus étroits.
Le fait que le texte soit déclaré d’ordre public ne vaut de manière certaine que dans l’ordre interne. Cela n’a pas forcément d’incidence en droit international. Il ne peut en aller autrement que si l’article 30 est considéré comme une loi de police qui sera donc applicable en France même si le droit applicable au contrat est un droit étranger. Je ne suis donc pas sûr que la question ici posée soit résolue…
Bonjour,
Qu’est ce qui empêchait, avant cette loi, de mettre l’article sur HAL (ou arxiv, ou autre) juste avant de signer le contrat de publication ?
Le périmètre de la loi concerne les écrits pour lesquels un contrat avec un éditeur a été conclu.
L’éditeur peut le faire. Ce n’est pas le cas du Nature Publishing Group, par exemple, mais Cell Press (Cell, Current Biology…) a ces lignes peu engageantes : « We will consider papers previously posted on a preprint server such as arXiv or bioRxiv. We are very interested to hear from researchers about their motivations for posting and to discuss with them whether it is the best approach for their paper, so we strongly encourage authors who are planning to submit to us to contact the editors first to discuss their specific paper and situation ».
Bref, en clair, vous ne forcerez pas un éditeur à publier votre papier s’il n’en a pas envie. Au mieux vous pourrez leur couper l’herbe sous le pied une fois. La malhonnêteté se paie, et c’est normal.
Et quid d’autres plateformes type Academia.edu ou Research Gate ?
Le billet ne traite que des dépôts dans HAL
La loi précise que la version déposée « ne peut faire l’objet d’une exploitation dans le cadre d’une activité d’édition à caractère commercial ». A voir si cette exception exclue des services comme Academia.edu ou ResearchGate, qui sans être des éditeurs ont bien une activité de diffuseur qui est à caractère commercial (même si l’utilisation de ces services est aujourd’hui gratuite).
Il me semble logique que de tels services soient exclus du périmètre de la loi puisque l’objectif est de contribuer à la diffusion des publications et pas de renforcer les plateformes commerciales de diffusion (qui ne s’engagent à rien en terme de pérennité de l’archivage…) au détriment des éditeurs.
A quoi ça sert de mettre ma version sur HAL alors que la version éditeur (et donc citable) est librement accessible sur le site de cet éditeur ?
Hal assure une visibilité internationale http://repositories.webometrics.info/en/top_portals
Hal est moissonné régulièrement par les outils de découverte les plus utilisés : Gscholar, Base, etc
Hal garantie l’archivage pérenne numérique de votre travail
Hal est compatible avec des outils de citations bibliographique, garantissant une citabilité optimale (URI pérenne)
Hal vous offre des services de valorisation de votre identité numérique basés sur vos dépôts
Déposer dans HAL appuie plus largement le mouvement de l’openaccess.
1. Hal assure une visibilité internationale http://repositories.webometrics.info/en/top_portals
R1. Dans le cas des sciences de la vie, Pubmed le fait aussi, sans doute en mieux, car il est consulté en priorité vu qu’il couvre sur des décennies la quasi-intégralité des publications dans les revues à comité de lecture
2. Hal est moissonné régulièrement par les outils de découverte les plus utilisés : Gscholar, Base, etc
R2. Voir R1
3. Hal garantie l’archivage pérenne numérique de votre travail
R3. Plus que les sites de revues internationales existant depuis des dizaines d’années ?
4. Hal est compatible avec des outils de citations bibliographique, garantissant une citabilité optimale (URI pérenne)
R4. Pubmed aussi
5. Hal vous offre des services de valorisation de votre identité numérique basés sur vos dépôts
R5. D’accord
6.Déposer dans HAL appuie plus largement le mouvement de l’openaccess.
R6. D’accord, si la version publiée par la revue n’est pas en open access. Sinon, lire un papier mis en forme par la revue est bien plus agréable que lire un manuscrit sous sa forme soumise, avec les légendes séparées de Figures et les Figures rassemblées à la fin du texte
Depuis 2004, les chercheurs pouvaient déjà déposer leurs articles d’Elsevier, même sans embargo. Avec cette loi, on perd 6 mois, non?
Bonjour,
Elsevier permet le dépôt immédiat du post-print uniquement sur le site web des auteurs de l’article. (ce qui n’est pas une solution satisfaisante pour plusieurs raisons) La loi ne vous fait rien perdre du tout sur ce point.
En revanche, Elsevier ne permet la mise en accès libre du post-print depuis une archive ouverte (HAL, autres archives ouvertes institutionnelles ou archives ouvertes disciplinaires) qu’après un embargo d’une durée comprise entre 12 et 48 mois.
Les avantages de la loi (si elle s’applique aussi aux contrats signés avec les revues appartenant à Elsevier):
– la loi établit un principe de limitation de l’étendue des contrats de cession des droits d’auteur signés entre les chercheurs et leurs éditeurs
– la durée de l’embargo est raccourcie par rapport aux politiques actuelles de la majorité des revues
– la durée de l’embargo est fixée et ne peut plus évoluer au bon vouloir de l’éditeur
En conclusion, l’harmonisation des durées d’embargo et la mise en place d’une durée maximale d’embargo donnent une bien meilleure visibilité aux chercheurs et aux services qui les accompagnent.
Je vous joins un écrit qui a toujours été le fil conducteur des AO.
« An author may post his version of the final paper on his personal web site and on his institution’s web site (including his institutional repository). Each posting should include the article’s citation and link to the journal homepage (or the article DOI). The author does not need our permission to do this, but any other posting (e.g to a repository elsewhere) would require our permission. By his version we are referring to his word or tex file, not a pdf or HTML download from science direct, but the author can update his version to reflect changes made during the refereeing and editing process. »
K. Hunter senior vice president strategy Elsevier, may 2004
Laurent Capelli – Votre réponse confirme qu’Elsevier limite la diffusion du postprint au site personnel ou au site de dépôt « de son institution ».
Je rejoins le commentaire de Laurent Capelli.
Un auteur qui dépose la version post-print de son article (autorisé en vérifiant dans Sherpa Romeo), doit maintenant mettre un embargo de 6 mois (ou 12 en SHS), ce qui n’était pas le cas avec la loi ou j’ai mal compris ?
Si la politique de l’éditeur vous est favorable alors Elle continue de s’appliquer. La loi crée juste un nouveau droit qui peut être opposé aux éditeurs dans le cas où leurs conditions seraient moins favorables.
Bonjour
Elsevier avait modifié en mai 2015 son ancienne politique de 2004. Leur discours était très emberlificoté, présentant la reculade comme une avancée, mais cette décision a été très vivement critiquée par les défenseurs de l’open access
cf. la position du COAR: https://www.coar-repositories.org/news-media/new-policy-from-elsevier-impedes-open-access-and-sharing/
Concernant les articles publiés en open – access, que ce soit dans une revue hybride ou totalement open access (APC payés par l’institution) et donc déjà librement accessible sur le site de l’éditeur : peut-on/doit-on déposer dans hal le pdf éditeur, ou uniquement la version post-print ?
Question de financement : on parle en coût total ou marginal ? Pour le dire autrement, à partir du moment où le travail est celui de fonctionnaires ou contractuels, même avec l’aide de doctorants, il est bien rare que le financement du coût total soit inférieur à 50%… Dans ce cas, quasiment tous les travaux de MdC, PU, PU-PH, CR CNRS ou INSERM… sont publiables avec un délais d’embargo plus ou moins long.
Sinon (coût uniquement marginal), vu les niveaux d’acceptation des grands appels à projets, ne seront concernés qu’environ la moitié de l’activité en Sciences pour l’Ingénieur.
Merci pour vos éclaircissements !
Bonjour, j’ai plusieurs questions :
1) la loi s’applique-t-elle aux articles publiés avant octobre 2016 ?
2) lorsqu’on n’a pas signé de contrat éditeur, peut-on mettre en ligne le fichier fourni par l’éditeur ou seulement un fichier auteur ? Il s’agit en l’occurrence d’un article paru en 2014.
Merci d’avance pour votre réponse.
1/le texte n’est pas explicite sur cette question : voir le billet de Calimaq sur la question de la rétroactivité (« Open Access : quelles incidences de la loi « République numérique » ? » https://scinfolex.com/2016/10/31/open-access-quelles-incidences-de-la-loi-republique-numerique).
2/Vous pouvez mettre en ligne votre fichier auteur. Le fichier fourni par l’éditeur, avec sa mise en page, est protégé. Vous ne pouvez le diffuser que si l’éditeur vous l’autorise.
Le texte me semble parfaitement explicite. En l’absence d’une mention de rétroactivité (qui exige validation par le conseil constitutionnel) la loi ne peut être rétroactive. Donc vous pouvez oublier vos publis antérieures au 7 octobre 2016.
La réponse est plus nuancée : il semble que le caractère d’ordre public de la loi s’applique aussi aux contrats passés.
Que veut dire « fichier auteur »? La plupart des éditeurs fournit un template spécifique au journal que l’on remplit directement. Est ce que le fichier envoyé au journal (dernière version avant publication) utilisant le template est considéré comme un fichier auteur? Il aura la mise en page du journal mais pas sa pagination.
Merci
Un fichier auteur est un fichier produit par l’auteur. Effectivement, dans la mesure où l’auteur utilise la feuille de style de la revue pour soumettre son article, ce n’est pas simple de répondre à votre question. Mais votre fichier est sans doute modifiable …
Et si le travail publié n’a pas été financé directement par l’Etat ? Je trouve que la loi est incomplète. Elle devrait englober aussi tous les travaux financés indirectement par des fonds publics. Par exemple, si un chercheur retraité continue de réfléchir et de publier, j’estime que ses publications elles aussi relèvent du droit à l’accès public, spécialement s’il n’a accédé au savoir que grâce à des bourses d’Etat et, s’il continue à réfléchir à la science, parce qu’il été employé pendant toute sa carrière dans la recherche publique.