Intégrité scientifique et archives ouvertes : quels sont les enjeux ?

Écrit par CCSD

Jamais dans l’histoire de la recherche scientifique les enjeux liés à l’intégrité n’ont été aussi palpables. L’évolution vers une diffusion plus large des connaissances s’accompagne de défis majeurs dans la production et la publication des résultats de la recherche scientifique. 

Au cœur de cette transformation, les archives ouvertes jouent un rôle central, promouvant une forme particulière d’intégrité scientifique. De ce fait, comment les archives ouvertes, en tant que plateformes de publication, contribuent au maintien de l’intégrité scientifique et suscitent une réflexion sur l’évolution de la communication scientifique ?

Pour la troisième session de l’Assemblée des Partenaires, le CCSD innove et propose lors de cette édition en présentiel, une journée thématique riche en échanges sur l’intégrité scientifique dans le contexte des archives ouvertes. Pour ce faire, un comité scientifique, présidé par Chérifa Boukacem et formé de représentant·e·s d’établissements partenaires, a été missionné pour travailler sur le sujet, invitant chercheurs et chercheuses à venir partager leurs travaux à ce sujet.

La journée a été enregistrée et vous pouvez découvrir ci-dessous l’introduction de la journée :

Les autres vidéos sont disponibles sur la chaine Canal U du CCSD, n’hésitez pas à aller les découvrir :
Le texte qui suit propose une synthèse des échanges très riches de cette journée.
L’intégrité au cœur d’un système

L’intégrité scientifique est […] le socle d’une relation de confiance entre le monde de la recherche et les autres composantes de la société” (Office Français de l’intégrité scientifique). L’intégrité est donc une valeur au cœur de l’identité scientifique, garante du caractère objectif, impartial et rigoureux du travail de recherche, comme définie dans le code de la recherche (article L. 211-2).

L’intégrité s’érige en rempart face aux falsifications, malversations et autres formes de fraudes, grâce à un processus  d’autocorrection critique propre au domaine scientifique (Bachelard, 1938). En effet, la science posséderait la capacité unique de distinguer avec le temps les découvertes avérées  des dimensions en désaccord avec les faits établis. Favorisant cette autocorrection, l’intégrité permet à la science de rester dynamique, de se renouveler et de progresser en abandonnant les idées obsolètes au profit de nouvelles compréhensions plus en phase avec les avancées de la connaissance scientifique.

 

Des tensions systémiques

Le tournant épistémologique des années 1980, a donné lieu à une nouvelle configuration politique et institutionnelle de la science, mettant en évidence un besoin accru d’éthique. Si l’autorégulation de la communauté scientifique reste avérée, son fonctionnement interne pose problème. En d’autres termes, les méconduites des chercheurs ne sont que la partie visible de difficultés plus profondes liées aux normes scientifiques elles-mêmes. Par conséquent, sans correction du système, des situations de manquements peuvent être perpétrées.

Dans notre contexte contemporain, les conflits de valeurs inhérents à la science sont devenus plus prégnants. Les enjeux éthiques, politiques et sociaux qui l’entourent soulignent la complexité des processus d’autocorrection. Les mécanismes autrefois considérés comme garants de l’intégrité scientifique sont aujourd’hui confrontés à des défis plus complexes, reflétant les tensions et les dilemmes d’une époque en constante et rapide évolution.

 

Intégrité scientifique et accès ouvert

La Science Ouverte et le Libre Accès transforment profondément la nature de la recherche. À sa conception, le mouvement de l’Open Access n’a pas été pensé en lien avec l’intégrité scientifique. Et pourtant, ce lien est désormais inscrit dans l’article 211-2 du code français de la recherche, définissant un ensemble de règles et de valeurs relatives à l’activité de recherche pour en définir le caractère d’honnêteté et de rigueur.

Les archives ouvertes, par principe, sont un moyen efficace de  rendre  la production scientifique accessible, permettant ainsi une transparence accrue et la possibilité pour la communauté scientifique de vérifier, répliquer ou contredire les résultats partagés. En contribuant à cette transparence, les archives ouvertes se positionnent à l’intersection de  deux principes majeurs de l’intégrité scientifique : l’honnêteté et la responsabilité.

L’ouverture de la science ne garantit certes pas l’intégrité du travail de recherche, mais elle offre les conditions nécessaires à l’élaboration de cette garantie. Par une science “auditable”, la Science Ouverte facilite la détection, le combat et la prévention des fraudes.

Si les archives ouvertes n’ont pas à gérer les manquements ou les erreurs, elles ont une responsabilité dans le signalement des corrections et des rétractations au sein de leurs plateformes. Il est essentiel qu’un marquage visible soit mis en place pour informer les lecteurs. Cela passe notamment par les métadonnées, leur complétion et leur qualité.

 

Mettre en pratique l’intégrité scientifique en France

En 2021, un décret d’application établit le REseau INTégrité Scientifique (RESINT), officialisant la nomination de Référents Intégrité Scientifique (RIS) au sein des établissements publiques ayant pour activité principale la recherche scientifique. Ce décret stipule que, désormais, si un manquement à l’intégrité scientifique est signalé, c’est au Référent Intégrité de l’établissement concerné de le traiter.

Au CNRS par exemple, la Mission à l’Intégrité Scientifique (MIS), qui œuvre depuis 2018, se compose d’un groupe pluridisciplinaire de 7 chercheur·e·s, dont un référent intégrité scientifique. À chaque signalement, la MIS est chargée d’établir la recevabilité de la demande et de lancer une procédure d’investigation si nécessaire. Les personnes mises en cause sont par la suite auditionnées, et, dans un tiers des cas environ, la tension peut être résolue par un système de médiation/conciliation. Sinon, un dossier est constitué, présentant la défense de chacune des parties (étape dite “contradictoire”) et analysé par des experts spécialement missionnés. Dans de très rares cas, une commission d’enquête est rassemblée pour statuer sur le cas, engageant une procédure bien plus lourde. D’éventuelles suites disciplinaires peuvent être encourues selon le retour de la MIS.

Le CCSD, conscient de l’importance de l’intégrité scientifique,  a engagé une réflexion sur la responsabilité de HAL en cas de potentielles méconduites ainsi que sur les moyens à mettre en place pour recueillir et traiter les signalements de manquements. Ce travail est essentiel pour préserver la confiance que place la communauté scientifique – et a fortiori la société – dans l’archive ouverte.

 

 

 

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